© H. Broch, Laboratoire de Zététique, 2001


Des allégations de parapsyphiles

concernant le mystère de la Sainte Tombe

(Sarcophage d'Arles-sur-Tech, article II)


Pr. Henri BROCH
Université de Nice-Sophia Antipolis


Il semblerait que, depuis qu'il a été remis au goût du jour par l'émission Mystères de TF1, le sarcophage d'Arles-sur-Tech (la "sainte Tombe") attire également les parapsychologues les plus pointus qui découvrent maintenant le phénomène...


Photo Henri Broch. reproduction interdite

Devant la floraison d'inepties, il m'a paru nécessaire de vous livrer juste quelques lignes de parapsychologues, lignes suivies de mon commentaire.

 

--------- Extraits de l'opinion d'Yves Lignon parue dans Le Midi Libre du 27 juillet 1998:

"...la solution proposée dans plusieurs articles parus entre 1959 et 1961 (et auxquels se réfèrent systématiquement les partisans du "il n'y a plus de problème") est pour plusieurs raisons facilement réfutable.
Selon les auteurs de ces études, le sarcophage se remplit parce que l'eau de pluie s'infiltre.
Peut-être, mais quand on lit que les mesures de la hauteur d'eau ont été faites à l'aide d'une règle d'écolier, on se demande, même sans animosité, s'il est possible de prendre ces gens-là au sérieux.
Ce n'est pas tout : leurs relevés pluviométriques proviennent d'Amélie-les-Bains où le microclimat diffère de celui d'Arles-sur-Tech, enfin, si malgré toutes ces réserves (qui à mon avis suffisent pour contester sérieusement la validité des conclusions) on procède quand même, comme je l'ai fait avec mon ami Pierre Macias, à quelques calculs sur les tableaux des nombres fournis, on s'aperçoit que rien ne permet de dire qu'il existe statistiquement un lien entre quantité de pluie et hauteur d'eau dans le sarcophage.
Comme toujours, qui veut trop prouver ne prouve rien."

Le journaliste qui a fait l'article central prétend même qu'il y a (depuis longtemps) un auvent au-dessus du sarcophage, et qu'en conséquence la pluie ne peut pas aujourd'hui y tomber dessus....

--------- Extraits de Vent Sud, France 3 Sud, 20 septembre 1999. Sujet: Le Sarcophage d'Arles-sur-Tech. Invités: Yves Lignon, Pierre Macias

-- (X) Qu'est-ce qu'on peut dire aujourd'hui si on essaye de trouver des explications ?
-- PM Sur la production d'eau, on a cru pendant longtemps avoir la solution. En fait, le jour où je me suis demandé si la solution valait la peine, tenait la route, à ce moment-là je me suis aperçu qu'il avait été dit pas mal de bêtises, et repris pas mal de bêtises, c'est-à-dire des mesures qui n'en étaient pas, des analyses qui en fait n'étaient pas très rigoureuses...
-- (X) Un peu approximatives ou un peu farfelues...
-- YL C'étaient des gens qui voulaient à tout prix avoir une explication et qui pour avoir une explication à tout prix sont allés jusqu'à faire des mesures avec un double-décimètre d'écolier, ça n'est pas un travail scientifique, ça.
-- (X) Ouais.
(...)
-- PM ...j'ai repris les mesures, les articles qui avaient été publiés et repris ensuite pour essayer d'expliquer la production d'eau par l'eau de pluie... En fait des gens du village même, je pense à Anthony Fitzbert qui s'est beaucoup intéressé au problème, avaient montré par des analyses d'eau en Angleterre que l'eau ne pouvait pas provenir de l'eau de pluie, enfin que sa composition était incompatible avec l'eau de pluie même ayant traversé un sarcophage.
-- YL On sait au moins ce que cette eau n'est pas.
(...)
-- PM On peut se demander quelle est la bonne explication. Là on peut rentrer dans des approches autour de la condensation, autour d'un phénomène qu'on appelle pas absorption mais adsorption qui fait qu'au niveau des parois froides et du calcaire de paroi poreuse, on peut avoir production d'eau de manière importante.
-- (X) C'est aujourd'hui l'explication la plus rationnelle ?
-- PM C'est une des hypothèses.
-- YL Cette hypothèse a été proposée par un professeur de physique de Béziers, et c'est véritablement une voie de recherche à exploiter.

 

Avant de répondre brièvement à ce type d'allégations, une petite précision a toute son importance. Contrairement à ce que M. Lignon affirme, la solution n'a pas été "proposée dans plusieurs articles parus entre 1959 et 1961" mais seulement - pour ce qui concerne cette "série" - dans celui de 1961 (une horrible question germe alors nécessairement dans votre esprit: "M. Lignon a-t-il vraiment lu ces articles ?")

 

Le mystère d'un auvent... fantôme

Pour commencer par cette allégation du journaliste "Il y a un auvent au-dessus du sarcophage", la seule réponse que l'on puisse faire est: délire total !
Où ce journaliste a-t-il vu un auvent ?

 


Photo Henri Broch. reproduction interdite

 

Le sarcophage est dans une courette (cf. photo en début d'article) humide, en plein air, en plein nord et ne voit pas le soleil. Il n'y a strictement RIEN au-dessus . Au contraire même, il y a un léger rebond avec tuiles sur le mur derrière lui (cf. photo ci-dessus), ce qui draine encore plus d'eau vers le sarcophage (notez bien que je dis "vers" et non pas "dessus").

De deux choses l'une:

- Ou ce journaliste n'a jamais mis les pieds à Arles-sur-Tech et il "brode" allègrement mais inconsciemment.

- Ou il ment effrontément et consciemment.

Dans les deux cas, il ne sort pas grandi.

 

La peste soit de cette règle d'écolier...

Il semble que M. Lignon n'ait pas compris - ce qui est pourtant élémentaire en méthodologie scientifique - qu'avec une règle d'écolier on puisse tout de même travailler correctement.
Peut-être s'imagine-t-il que les graduations d'une règle "de gosse" sont faites au "pifomètre" ?

1 mm est évidemment 1 mm et une règle d'écolier suffit évidemment largement pour faire ce type de relevés.

Pour ma part, j'insiste toujours auprès de mes étudiants sur le fait que l'on peut, au départ, faire des manips "ruban adhésif et bouts de ficelle" (une manip... "avec les mains" !) qui donnent des résultats tout à fait probants pour comprendre un phénomène ou tester une hypothèse. Ce qui compte évidemment, c'est la méthodologie utilisée et non la sophistication de l'appareillage. Ce qui compte dans le domaine qui nous intéresse ici, c'est évidemment beaucoup plus la manière de faire une mesure que la qualité de l'instrument employé.
Mais cela semble déjà trop difficile à intégrer pour certains neurones...

En d'autres termes - soit dit en passant sans animosité - la remarque qu'a faite M. Lignon démontre... qu'il n'est pas possible de prendre ce monsieur au sérieux et une fois encore on constate la nullité ahurissante d'un parapsychologue "scientifique".

De plus, si M. Lignon était intellectuellement honnête, il dirait (mais le sait-il seulement ? A-t-il seulement lu les articles dont il prétend parler ?) que les hydrologues... ont explicité eux-mêmes la rusticité de leur système de mesure de la hauteur d'eau et parlent - je cite - d'une "vulgaire réglette d'écolier" et nous font remarquer - je cite - "...ce qui prouvait quand même que notre système de mesure du niveau était valable, quoique rudimentaire !"

En termes clairs, les hydrologues n'ont pas attendu le grand gourou de service pour faire savoir à leurs lecteurs que leur système de mesure était rudimentaire. Mais ce qui compte, c'est qu'il soit efficace. Et il l'est !

 

... Et de ce climat capricieux.

Je ne vois pas très bien ce qui permet à M. Lignon - météorologue certainement pointu - de dire qu'il existe à Amélie -les-Bains un microclimat vraiment différent de celui d'Arles-sur-Tech.
De plus, Amélie-les-Bains est... TOUT A COTE d'Arles-sur-Tech et si une station était déjà implantée (en principe on ne l'implante pas dans un coin non représentatif !), je comprendrais tout à fait que les collègues y aient eu recours.

Petit détail: M. Lignon affirme que les relevés pluviométriques que les hydrologues ont utilisés proviennent d'Amélie-les-Bains. Peut-être est-ce... sa voyante favorite qui le lui a indiqué parce que, pour leur part, les hydrologues n'ont jamais écrit cela dans leur article !

Ils ont uniquement précisé que "les hauteurs de pluie données sont celles relevées par l'agent des Eaux et Forêts et envoyées à la Météorologie nationale".

 

Le fabuleux "statisticien" en action...

"Rien ne permet de dire qu'il existe statistiquement un lien entre...." Alors là, on croit rêver...
Le lien entre
quantité de pluie et hauteur d'eau dans le sarcophage me paraît au contraire, quant à moi, CERTAIN !

Mon don de voyance inné me pousse à avoir un flash éblouissant qui fait que je suis presque sûr ("presque" parce qu'après tout ce n'est que de la voyance) que nos deux grands "statisticiens" qui affirment avoir "procédé à quelques calculs sur les tableaux des nombres fournis" n'ont... PAS pris en compte toutes les valeurs 0 (zéro) dans les deux mois qui précèdent les premières variations de niveau d'eau (cf. le graphique que je donne dans l'article précédent intitulé "Le mystère du sarcophage d'Arles-sur-Tech").

Valeurs que l'on
DOIT (je n'ai pas dit "que l'on peut") évidemment - comme tout débutant en statistiques le sait - prendre en compte dans le calcul testant l'hypothèse d'une corrélation entre quantité de pluie et hauteur d'eau dans le sarcophage.

Ou alors, si MM. Lignon et Macias ont effectivement pris en compte tous les 0, c'est ... qu'ils ne savent pas compter.

Deux mois sans pluie, deux mois sans variation du niveau sarcophage (hormis ce que le curé retire évidemment) puis, "dès" qu'il pleut, le niveau commence à augmenter. Pas la peine de faire compliqué: le lien y est !

 

Monsieur Lignon découvre l'Amérique...

La condensation: "véritablement une voie de recherche à exploiter"... Monsieur Lignon nous fait part ainsi de la grandiose découverte qu'il a faite en lisant un article de 1998 d'un quotidien local dans lequel un professeur de physique suggère de s'intéresser à une autre possibilité: la condensation.

On croit encore rêver.
L'ignorance et/ou la mauvaise foi de M. Lignon sont encore plus insondables que ce que l'on imaginait jusqu'alors.

L'article de 1961 des hydrologues évoque évidemment la condensation de l'eau contenue dans l'air (premier phénomène auquel toute personne s'intéressant au sarcophage pensera) ainsi que le phénomène de rosée.
L'article de 1961 précise même dans un passage sur les températures relevées (passage que M. Lignon a dû "lire" trop vite sans doute): "... ces chiffres sont donnés à l'attention des personnes qui ont fait des petits calculs sur la quantité d'eau que l'on peut recueillir par la condensation."
Mais il semblerait que ces petits calculs dépassent déjà les capacités de certains grands parapsyphiles.

M. Lignon ignore manifestement que le phénomène de paroi froide... ne produira que des quantités faibles (ma formulation initiale "ridiculement faibles" était un peu trop forte et trop "journalistique") par rapport aux quantités en jeu avec le sarcophage. Je me permets donc de lui apprendre au passage l'existence du "puits" de Trans-en-Provence (non, rien à voir avec un mystérieux ovni; cf. mon article joint) qu'il semble ignorer tout autant.

J'espère, de plus, que M. Lignon - en très grand connaisseur qu'il est du phénomène de condensation et de l'ensemble du dossier - n'aura pas, dans un dommageable élan de remplissage (de lignes), oublié qu'un expert hydrogéologue nous avait appris (comme je l'ai déjà rapporté plusieurs fois) que la température à l'intérieur du sarcophage est supérieure de 2 ou 3 degrés à la température de la paroi externe !

Juste pour rire encore un peu plus de cette "découverte" qui pour M. Lignon
est, en 1999, une voie d'avenir, voici quelques lignes, entre tant d'autres, consacrées au grand mystère du sarcophage d'Arles-sur-Tech :

"D'autres ont pensé que la pierre du sarcophage pourrait bien absorber l'humidité de l'atmosphère, et que l'eau recueillie dans le fond du sarcophage ne serait que cette humidité déposée là par condensation. Mais outre que (...) un phénomène de ce genre n'aboutirait jamais à produire des centaines de litres par an."

Ce texte clair comme de l'eau de roche date de... plus de 60 ans avant (oui, vous avez bien lu: soixante ans ; puisqu'il date de 1936, cf. réf. Leroy) la magnifique "nouvelle" hypothèse qui enthousiasme M. Lignon !!!

En d'autres termes, dans les allégations de notre grand gourou de l'eau culte (il y a une quarantaine d'années, le sérieux scientifique n'excluait déjà pas la bonne humeur et autant citer les bons jeux de mots), comme d'habitude, on est en plein carnaval.


Une origine pas vraiment originale... et le ciel y est vraiment pour quelque chose

A titre anecdotique, le texte de 1936 que je viens de citer nous apprend également que:

"Pour l'abbé Adolphe Crastre, comme pour ceux qui l'ont précédé, la question ne fait aucun doute : l'eau est d'origine surnaturelle, le sarcophage d'Arles est une sorte de piscine sacrée 'où Dieu, par sa vertu créatrice, produit une eau miraculeuse'. Il était si assuré qu'aucune explication valable du phénomène ne pouvait être donnée qu'il déposa chez Me Noëll, notaire à Arles, une somme de mille francs destinée à celui qui expliquerait naturellement la présence d'eau dans le sarcophage."

J'espère que le rapport de 1961 dans la "Houille Blanche" aura valu aux scientifiques de toucher cette somme...

Afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté et pour bien montrer que la condensation n'est en rien une hypothèse nouvelle, je rappellerais que
la condensation est une réalité reconnue quasiment par toute personne s'étant intéressée sérieusement au sarcophage d'Arles (et optant pour une origine naturelle).

Là où il y a divergence, c'est tout simplement sur la "proportion" à accorder à la condensation dans la "fabrication" de l'eau. Certains optent pour un condenseur d'humidité à rendement particulièrement élevé et rejetent presque l'hypothèse eau de pluie (...en contradiction toutefois maintenant avec les données de 1961) et d'autres optent plutôt pour une
prépondérance de l'origine pluie (comme le démontrent les données publiées en 1961) avec une faible participation des autres sources.

A titre d'exemple parmi les nombreux textes ayant abordé le sujet et surtout à titre d'information globale car cet article offrait une bibliographie intéressante, je vous livre ici un extrait d'un article de 1975-76 des Mémoires de l'Institut de Préhistoire et d'Archéologie des Alpes Maritimes (un grand merci à Denis Biette !), article traitant des puits aériens et qui, dans son passage sur le sarcophage d'Arles-sur-Tech, déclarait (cf. réf. Cheneveau):

"
[L'eau du sarcophage] est produite d'une part par la condensation de l'humidité de l'air résultant de la différence des températures intérieure et extérieure et parfois peut-être par la pénétration, les jours de pluie, de l'eau à travers le couvercle poreux ou par suintement de gouttelettes passant par les interstices existant entre le couvercle et le sarcophage.
"On a émis, à ce sujet, un certain nombre de théories, pour:

[1933] "P. Basiaux : 'C'est un capteur d'humidité atmosphérique à rendement élevé.'"

[1934] "H. de Varigny : 'L'opinion des autorités de l'abbaye est qu'il s'agit là d'un phénomène naturel, d'une condensation spontanée, qui s'expliquera tôt ou tard par la physique" ; pour l'auteur "le phénomène considéré comme miraculeux s'explique fort bien par la physique.' (Bib. n° 20)"

[1957] "René Colas : 'On se trouve là en présence de circonstances exceptionnelles : exposition au Nord dans une cour profonde où ne pénètre pas le soleil, ensemble architectural environnant comportant des constructions massives formant probablement volant thermique et surtout bonne circulation de l'air chaud et humide déversé par-dessus la paroi Sud, se refroidissant au niveau du sol, dont l'humidité se condense dans la cuve du sarcophage.' (Bib. n° 6)"

[1959] "Delaunay-Delapierre et Delapierre-Devinoux [vous remarquerez au passage que l'on ne s'ennuyait déjà pas à cette époque avec les pseudonymes !]: 'C'est le résultat d'un phénomène de condensation de l'air.' (Bib. n° 7)"

[1957] "Dupasquier : 'Le rendement du sarcophage est bien élevé par rapport aux installations de Théodosia ou de Montpellier.' (Bib. n° 10)"

[1960] "Nicolas Chtechapov : 'Il admet la production d'eau par condensation de l'air mais reste quand même dubitatif ici.' (Bib. n° 5 bis)"


En d'autres termes, la théorie de la condensation n'est vraiment pas nouvelle pour l'origine de l'eau de la Sainte Tombe.

Et ce que les données publiées en 1961 ont apporté, c'est la preuve que
la source essentielle d'approvisionnement (ce qui évidemment ne renie en rien une participation - faible - de la condensation) du sarcophage d'Arles-sur-tech est tout simplement... l'eau de pluie, l'eau qui tombe du ciel.

Pr. Henri Broch

Références :
- Leroy O. (1936), "Notes et Réflexions. Un prodige permanent : la tombe d'Arles-sur-Tech", Vie Intellectuelle, vol. 10, N° 43, p. 191-196
- Cheneveau C.R. (1975-76), "L'eau dans les castellaras de la Ligurie Marinalpine (Puits aériens)", Mémoires de l'Institut de Préhistoire et d'Archéologie des Alpes Maritimes, tome XIX, p. 3-16


Pour lire les autres articles sur le mystérieux sarcophage d'Arles-sur Tech :

Sarcophage d'Arles-sur Tech, article N° I : Henri BROCH, "Le mystère du sarcophage d'Arles-sur-Tech ou L'eau culte"

Sarcophage d'Arles-sur-Tech, article N° III : Henri BROCH , "De Theodosia à Trans en Provence"

Sarcophage d'Arles-sur-Tech, article N° IV (format pdf) : Henri BROCH, "Sainte Tombe : origine de l'eau céleste confirmée"

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